Un soldat français participant à l'opération Sentinelle patrouille dans la gare de Creil, dans l'Oise.
Les soldats participant à l'opération Sentinelle dans l'Oise sont installés à la base aérienne de Creil. Depuis mars, c'est au tour du 28e régiment de transmissions originaire d’Issoire, dans le Puy-de-Dôme, de se charger de cette mission. Le caporal Kévin, lui, profite de son temps libre pour étudier. "J’ai intégré l’armée car j’aimais le sport, la discipline et voyager. Maintenant je recherche plus de stabilité et souhaite travailler dans l’informatique."
Dans sa chambre, le chef de section Guillaume explique qu'il "préfère être à l’étranger et loin de ma famille, qu’en France, mais sans avoir la possibilité de la voir. Selon moi, c’est ce qui a de plus frustrant dans l’opération Sentinelle."
Il est près de 21h. Un soldat s’apprête à partir en patrouille de nuit à la gare de Creil.
En attendant de prendre la relève, les soldats se détendent en lisant, en discutant avec leur famille via leur portable, ou en s'amusant à l'aide de jeux vidéo ou de société. Pour le caporal Sébastien, "c’est un rythme à prendre. Après avoir passé la journée à monter la garde, ça me relaxe de jouer un peu. Je dormirai après ma prochaine patrouille."
Les seuls militaires ayant le droit de s'habiller en civile sur leur base sont ceux qui bénéficient d'une journée de repos.
Les soldats s'occupant des patrouilles dans l'aéroport de Beauvais vivent non loin du site qu'ils doivent protéger.
Un équipe part en patrouille. Les horaires et la durée de celle-ci varient régulièrement, pour éviter qu'elles ne deviennent prévisibles.

Ces soldats protègent les sites sensibles de Beauvais et de Creil. Comment vivent-ils leur mission ?

▶ L’opération Sentinelle a été lancée après les attentats de janvier 2015. L’objectif : défendre les lieux sensibles à l’aide des militaires et des policiers. Un dispositif renforcé suite aux attaques de novembre puis accentué après celles de Bruxelles.
▶ En Picardie, les forces sont concentrées dans l’Oise en raison de la proximité avec la région parisienne et des infrastructures de transport présentes.

Il est près de 21h, ce mardi, dans l’un des bâtiments de la base aérienne de Creil, dans l’Oise. C’est là que vit, entre deux patrouilles, une partie des militaires qui participent dans le département à l’opération Sentinelle. L’autre partie étant cantonnée près de Beauvais. Depuis deux semaines, c’est au tour du 28e régiment de transmissions originaire d’Issoire, dans le Puy-de-Dôme, de s’occuper de la protection de la gare de Creil, des lieux de culte et de l’aéroport de Beauvais. Le quotidien de ces femmes et de ces hommes : enchaîner des patrouilles de plusieurs heures à tour de rôle, avec sur le dos plus de 20 kg d’équipement, et ce de jour comme de nuit, tout en restant vigilant. Un rythme effréné durant lequel chaque moment de détente est crucial pour pouvoir récupérer.

Ce soir-là, six militaires effectuent une partie de Uno dans leur salle de repos. Poker, jeux de société ou films à la télé : autant de moyens mis à leur disposition pour se vider la tête après l’effort. « C’est vrai que le confort s’est franchement amélioré en un an », explique le caporal-chef Alexandre après avoir posé une carte sur le tas devant lui. Comme la plupart de ses collègues, il n’en est pas à sa première mission Sentinelle. « Au début, il fallait répondre à l’urgence de la situation. On pouvait dormir à 13 voire plus dans un 20m2. Ici on est à 6 tout au plus, avec de vrais lits. Un minimum de confort, c’est important pour bien travailler. »

Au début on accumule la fatigue. Ensuite, on s’y fait. Après avoir passé la journée à monter la garde, ça me relaxe de jouer un peu. Je dormirai après ma prochaine patrouille.

Dans l’une des chambres, une équipe se prépare pour une patrouille de nuit, tandis qu’une autre savoure quelques heures de repos avant de prendre la relève. « C’est un rythme à prendre , estime le caporal Sébastien, les mains sur le clavier de son ordinateur. Au début on accumule la fatigue. Ensuite, on s’y fait. Après avoir passé la journée à monter la garde, ça me relaxe de jouer un peu. Je dormirai après ma prochaine patrouille. » Certains de ses coéquipiers préfèrent dormir, d’autres, étudier. C’est le cas du caporal Kévin, âgé de 23 ans. Après quatre ans dans l’armée, il veut se reconvertir. « J’ai intégré l’armée car j’aimais le sport, la discipline et voyager. Maintenant je recherche plus de stabilité et souhaite travailler dans l’informatique. »


10 000 soldats

L’effectif militaire affecté à l’opération Sentinelle, dont 6500 en Île-de-France.
Un nombre supérieur à celui des forces participant aux opérations extérieures.


Le lendemain, la journée commence à 8h avec du sport. Certains soldats n’ont dormi que quelques heures. Ils ne sont pas obligés de suivre toutes les séances, mais ils savent que sans elles, leur corps aura plus de difficultés à supporter leur barda. «  Le sport nous détend et nous maintient en condition.  », glisse le caporal-chef de première classe Xavier, en pleine séance de biking, dans la salle de sport de la base aérienne.

Du côté des troupes cantonnées près de l’aéroport de Beauvais, certains militaires font de la musculation. D’autres s’occupent des tâches ménagères avant de partir patrouiller dans l’aérogare. Les seuls à être habillés en civil sont ceux qui bénéficient d’une journée de repos. Théoriquement, une tous les quatre jours. Mais dans la pratique, le rythme imposé ne permet pas de toujours respecter cette fréquence.

Même en civil, les soldats peuvent être sujets à des déformations professionnelles. « On a tendance à garder un œil sur ce qui nous entoure , explique le première classe Kévin, quand ça nous arrive, on en rigole et on se dit : aller, on se met en trinôme, comme en patrouille ».

Pour l’instant, le temps de détachement des soldats est indéterminé et leurs permissions, repoussées. Leurs seuls liens avec l’extérieur : leurs téléphones portables et le wifi. « Je préfère être à l’étranger et loin de ma famille, qu’en France, mais sans avoir la possibilité de la voir , confie le chef de section Guillaume, selon moi, c’est ce qui a de plus frustrant dans l’opération Sentinelle. »

Julien Pruvost