André Molle, 45 ans, travaille pour la Sanef, la société chargée de la gestion des autoroutes picardes, depuis une vingtaine d'années. Il occupe actuellement le poste de patrouilleur: il doit informer ses collègues de toutes les anomalies qu'il rencontre durant sa tournée, sécuriser les voies où il en trouve une, et ramasser tous les obstacles qu'il croise. Ici, il retire les morceaux de pneu d'un poids-lourd éparpillés sur la bande d'arrêt d'urgence.
A chaque fois qu'il intervient, il doit signaler ce qu'il compte faire au centre de la Sanef. Il contacte aussi la radio 107.7 pour que les informations concernant son intervention soient diffusées durant le prochain flash info. Le véhicule du patrouilleur est en permanence géolocalisé.
Le patrouilleur traverse la trois voies à pieds, ce qu'il est souvent amené à faire lors de sa tournée. "Il ne faut surtout pas courir. Il suffit de trébucher une fois et c'en est fini".
André Molle doit aussi venir en aide aux usagers en difficulté. Durant sa tournée, il a rencontré la chauffeur d'une camionnette qui a crevé quels minutes plus tôt.
Pendant que le dépanneur intervient, le patrouilleur a sécurisé les lieux à l'aide de plots oranges et adresse des signes au conducteurs pour qu'ils ralentissent et évitent de trop se coller à droite.
André Molle jette ce qu'il a ramassé durant sa tournée, à la décharge. Selon lui, il ramasse de tout : "mobilier, pneus, valises... Tout ce qui est mal arrimé aux véhicules".
Une fois par semaine, es agents de la Sanef participent à un quart d'heure sécurité, durant lequel leur chef d'équipe leur rappelle les mesures de sécurité à respecter.
André Molle passe le relai après avoir terminé sa tournée d'une durée de 8 heures, qui a commencé à 5 heures. Il briefe son collègue sur les tâches réalisées le matin et celles qui restent à faire durant l'après-midi.

Dans sa dernière campagne de prévention, la Sanef, la gestionnaire des autoroutes picardes, réclame plus de respect envers les agents qui entretiennent et sécurisent les voies, souvent victimes d’accidents.

Il est 9 h 30 ce mardi matin, sur l’A1, non loin du centre d’entretien de la Sanef de Roye. Il s’agit de l’un des sept centres picards dans lesquels travaillent près de 275 agents chargés de l’entretien et de la sécurité des autoroutes du territoire. André Molle, 45 ans est au volant de son fourgon de patrouilleur, revêtu de son manteau jaune fluo. Il a pris son poste à 5 heures du matin. Il fait partie des 45 agents qui travaillent sur le site de Roye, chargés de surveiller une portion de 60 km sur l’A1 et 35 km sur l’A29. Son job ? «  Je dois sécuriser, protéger et informer  », résume-t-il. Des objectifs qu’il connaît bien, puisque cela fait 21 ans qu’il travaille pour la même entreprise. Chaque jour, pendant huit heures, il couvre une distance de 60 km (aller et retour). Il veille à ce qu’il n’y ait pas d’anomalie sur la route ou sur la bande d’arrêt d’urgence.

Après avoir roulé pendant une dizaine de minutes, il s’arrête sur le bord de la route. Il a repéré les morceaux d’un pneu éclaté, éparpillés sur 200 mètres. «  On peut ramasser de tout, confie-t-il, même du mobilier, et des valises… Tout ce qui était mal arrimé aux voitures  » Il active sa signalisation lumineuse pour inciter les usagers à ralentir et à ne pas se coller sur la bande d’urgence. En permanence géolocalisé, il signale son intervention et prévient la radio 107.7 pour qu’elle informe les usagers qu’il est de sortie : la procédure habituelle.


121 accidents

impliquant du personnel d’entretien des autoroutes ont eu lieu en France, en 2015.
Soit vingt de plus qu’en 2014. 50 % ont eu lieu durant la pose du balisage.
Le week-end précédent ce reportage, les fourgons de deux agents d’entretien picards ont été percutés par des véhicules légers. L’un des ouvriers d’autoroute a été blessé aux cervicales.


Sac-poubelle dans une main et ramasse déchet dans l’autre, il sort de son véhicule. Pendant une dizaine de minutes il collecte un à un les morceaux de caoutchouc. «  Je regarde le plus souvent possible derrière moi, ne serait-ce que pour déceler un comportement à risque, explique-t-il, il faut anticiper le plus possible. Même si on ne peut pas toujours prévoir la défaillance d’un conducteur  ».

Tout comme plusieurs de ses collègues, il peut en témoigner. En 2006, ce jour-là, il n’avait rien vu venir. Il a été fauché par une voiture alors qu’il effectuait une opération de balisage. Le conducteur et sa passagère sont décédés. Lui a survécu, mais a subi un traumatisme crânien et plusieurs fractures. «  L’accident c’était une chose, mais la période qui a suivi a été très dure à vivre, se souvient-il. Même si je n’y étais pour rien, je me sentais coupable. En plus, je ne savais pas si j’allais pouvoir retravailler.  » Aujourd’hui encore, son bras gauche garde des séquelles. Malgré tout, après plusieurs mois de thérapie, il n’a pas hésité lorsqu’il a su qu’il pouvait remettre le pied à l’étrier.


Nous nous occupons de la sécurité des clients de l’autoroute
pour gagner notre vie, en aucun cas pour la perdre.

Leitmotiv entendu auprès des agents de la Sanef, à Roye.


«  C’est un beau métier, assure-t-il, chaque jour on vient en aide à des gens différents  ». Même si depuis l’accident, il estime «  peser davantage le danger par rapport à l’importance des tâches à accomplir.  » Père de deux enfants, comme d’autres agents de la Sanef, il sait que sa famille est depuis ce jour, plus soucieuse. «  Ils ont eux aussi subi beaucoup  », lâche-t-il.
Sa tournée se termine vers 13 heures. Après le pneu déchiré, il a sécurisé la zone autour d’une automobiliste dont l’une des roues avait crevé. Puis il s’est chargé de repositionner des plots orange, certainement percutés par un véhicule, censés protéger une zone de travaux. Le tout, en surveillant certains poids lourds et véhicules légers collés l’un derrière l’autre.

«  C’était une journée plutôt calme  » témoigne André Molle, de retour au centre de Roye. «  Rien à voir avec les chassés-croisés du vendredi  ». Que ce soit en début ou en fin de semaine, André Molle et ses compagnons n’auront jamais le droit de baisser en vigilance. Ce qui devrait aussi être le cas des automobilistes.

Julien Pruvost


Le Lourd tribut des agents d’entretien

▶Depuis 2002, en France, 21 agents d’entretien d’autoroutes ont perdu la vie en réalisant des opérations de sécurité.
▶En Picardie, deux agents ont trouvé la mort durant cette période. Le dernier accident date de 2008. Un agent avait été fauché aux abords de Plailly (Oise), sur l’A1.


Les règles à respecter sur l’autoroute

Avant de démarrer, il est nécessaire de bien vérifier que tous les objets sont bien arrimés au véhicule.
Une fois sur l’autoroute, il faut rester sur la voie la plus à droite, dans la mesure du possible. Selon une étude de la Sanef, plus d’un tiers des véhicules observés restent sur la voie du milieu.
Et quand vient le moment de doubler, le conducteur ne doit utiliser ses clignotants pour dépasser puis se rabattre. Selon l’étude de la Sanef, les deux tiers des conducteurs n’indiqueraient pas leur intention de se rabattre.
Par précaution, il est préférable de lever le pied dès l’annonce d’un danger et de garder un œil sur les panneaux digitaux d’information en hauteur ou sur les côtés, puis de compléter avec les flashs infos à la radio sur 107.7.
En cas de panne ou d’accident, il est nécessaire de s’arrêter sur une aire, un refuge, ou au mieux, sur la bande d’arrêt d’urgence tout en mettant ses feux de détresse. Ensuite, d’enfiler un gilet jaune, de sortir sur le côté non circulé et enfin de se placer derrière la glissière de sécurité. Ne pas oublier de se signaler à l’aide d’une borne d’appel (une tous les deux kilomètres). Ou si possible, utiliser l’application SOS autoroute, permettant de géolocaliser les utilisateurs.
Avant de se réinsérer, ne pas oublier de s’élancer sur la bande d’arrêt, pour rattraper une vitesse suffisante.

J.P.